La maladie des griffes du chat (MGC), une infection bactérienne zoonotique courante, est causée par la bactérie Bartonella henselae . Elle se manifeste par une variété de symptômes, allant d'une simple lésion cutanée bénigne à des complications systémiques plus graves. Une intervention rapide et un diagnostic précis sont essentiels pour minimiser les risques et assurer une guérison complète.

Phase initiale: le chancre d'inoculation

Le premier signe visible de la MGC est généralement l'apparition d'un chancre d'inoculation, typiquement entre 3 et 10 jours après une griffure ou une morsure de chat infecté. Ce chancre se situe fréquemment sur les mains et les avant-bras, régions les plus exposées aux griffures félines. Sa présence est un indicateur clé de la maladie.

Description macroscopique du chancre

Initialement, le chancre apparaît comme une petite papule érythémateuse (rouge), légèrement surélevée et douloureuse au toucher. Au cours des jours suivants, il peut évoluer en pustule (petite poche de pus) puis en ulcération superficielle mesurant de 5 à 10 mm de diamètre. Cette lésion, généralement peu profonde, guérit spontanément en quelques semaines, laissant parfois une petite cicatrice. Dans un pourcentage significatif des cas (environ 50%), une adénopathie régionale accompagne le chancre.

  • Localisation: Mains (70%), avant-bras (20%), visage (rare)
  • Aspect: Papule, pustule, ulcération superficielle
  • Taille: 5 à 10 mm de diamètre
  • Durée: 1 à 4 semaines

Symptômes associés au chancre

En plus de l'aspect visuel du chancre, le patient peut ressentir une douleur localisée, un prurit (démangeaisons), et une sensibilité accrue au toucher au niveau de la lésion. La présence d'une adénopathie régionale (gonflement des ganglions lymphatiques) est un signe courant de la MGC, souvent observable dans la région drainée par les vaisseaux lymphatiques du site d'infection.

Diagnostic différentiel du chancre

Le diagnostic différentiel du chancre de la MGC est crucial pour éviter une mauvaise interprétation. Il faut le distinguer d'autres lésions cutanées telles que des infections bactériennes (impétigo, folliculite), des infections virales (herpès), des réactions allergiques (dermatite de contact), ou encore des piqûres d'insectes. Une anamnèse détaillée, incluant les contacts récents avec les chats, est un élément diagnostique essentiel. La présence d'une adénopathie régionale oriente fortement le diagnostic vers une MGC.

Manifestations systémiques de la MGC

Au-delà du chancre d'inoculation, la MGC peut se manifester par une série de symptômes systémiques, généralement 1 à 4 semaines après l'apparition du chancre primaire. Ces symptômes sont souvent associés à une réaction inflammatoire régionale et/ou systémique.

Adénopathies régionales: un signe cardinal

L'adénopathie régionale est le signe systémique le plus fréquemment observé dans la MGC. Les ganglions lymphatiques régionaux, principalement axillaires (aisselle), cervicofaciaux (cou et visage) ou inguinaux (aine), augmentent de volume, deviennent douloureux à la palpation et peuvent atteindre une taille importante (1 à 3 cm de diamètre, voire plus). La consistance de ces ganglions est généralement ferme, pouvant devenir fluctuante (présentant une sensation de liquide) dans certains cas. La durée de l'adénopathie varie de quelques semaines à plusieurs mois. Environ 20% des cas présenteront une adénite suppurée (infection purulente du ganglion).

  • Localisation: Axillaires (60%), cervicofaciaux (30%), inguinaux (10%)
  • Taille: 1 à 3 cm, parfois plus
  • Consistance: Ferme, parfois fluctuante
  • Durée: Quelques semaines à plusieurs mois

Une échographie ou un scanner peuvent être nécessaires pour évaluer précisément la taille et l'étendue des lésions ganglionnaires, notamment en cas de suspicion de complications. Le drainage chirurgical d'un ganglion suppuré peut être requis dans certains cas.

Manifestations extraganglionnaires: complications rares mais graves

Des manifestations extraganglionnaires, bien que rares, peuvent survenir. Elles sont souvent associées à une dissémination hématogène (par le sang) de la bactérie et nécessitent une prise en charge médicale spécifique.

Atteintes Ostéo-Articulaires

Dans de rares cas, la MGC peut engendrer une ostéomyélite (infection osseuse), une arthrite (inflammation articulaire) ou une ténosynovite (inflammation des gaines tendineuses). Ces complications touchent généralement les os et les articulations proches de la zone d'adénopathie. La douleur, la limitation des mouvements et la fièvre sont des manifestations fréquentes. La durée du traitement antibiotique dans ces cas est significativement plus longue.

Atteintes oculaires

Des atteintes oculaires telles que les conjonctivites, les uvéites (inflammation de l'uvée, partie de l’œil), ou les rétinites (inflammation de la rétine) sont exceptionnelles mais potentiellement graves, pouvant entraîner des dommages visuels irréversibles. Une consultation ophtalmologique rapide est indispensable en cas de suspicion.

Manifestations neurologiques

Les atteintes neurologiques sont extrêmement rares mais peuvent être mortelles. Elles comprennent des méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) et des abcès cérébraux. Le diagnostic est complexe et nécessite une imagerie cérébrale (IRM) ainsi qu'une ponction lombaire pour l'analyse du liquide céphalorachidien.

Anomalies hématologiques

Certaines anomalies hématologiques, telles qu'une splénomégalie (augmentation du volume de la rate), une hépatite (inflammation du foie), une anémie ou une thrombocytopénie (diminution du nombre de plaquettes sanguines), ont été rapportées. Ces manifestations sont le reflet d'une dissémination systémique de l'infection.

Manifestations cutanées secondaires

Des éruptions cutanées peuvent survenir à distance du site d'inoculation, telles qu'un purpura (petites taches rouges sur la peau) ou un érythème noueux (nodules rouges et douloureux sous la peau). Ces manifestations témoignent d'une réponse inflammatoire systémique.

Formes particulières de la MGC

La présentation clinique de la MGC peut varier en fonction de l'âge et de l'état immunitaire du patient. Chez les enfants, les symptômes peuvent être plus atypiques, tandis que chez les individus immunodéprimés, l'évolution de la maladie est souvent plus grave et les complications plus fréquentes. La prise en charge doit être adaptée à chaque situation.

Diagnostic de la maladie des griffes du chat

Le diagnostic de la MGC repose sur une combinaison d'éléments: l'anamnèse (histoire de la maladie, incluant un contact avec un chat), l'examen clinique, et des examens complémentaires. La présence d'un chancre d'inoculation associé à une adénopathie régionale est fortement suggestive d'une MGC. Cependant, des examens complémentaires sont souvent nécessaires pour confirmer le diagnostic et exclure d'autres pathologies.

Examens complémentaires pour le diagnostic

Les examens biologiques de routine (hémogramme) sont souvent peu contributifs. Les tests sérologiques, comme l'immunofluorescence indirecte (IFI) et le test ELISA, permettent de détecter les anticorps anti-*Bartonella henselae*. Cependant, la sensibilité et la spécificité de ces tests peuvent être limitées, particulièrement en phase précoce de l'infection. Une ponction-aspiration à l'aiguille fine (PAAF) des adénopathies est une technique utile pour analyser le contenu ganglionnaire, rechercher la présence de la bactérie et obtenir un diagnostic cytologique. Une biopsie des lésions cutanées ou ganglionnaires peut être effectuée dans certains cas pour un examen histologique et une culture bactérienne.

  • Hémogramme: souvent non spécifique
  • Tests sérologiques (IFI, ELISA): sensibilité et spécificité variables
  • PAAF: analyse cytologique et bactériologique
  • Biopsie: examen histologique et culture bactérienne (plus longue)

Traitement et pronostic de la MGC

Le traitement de la MGC repose principalement sur l'administration d'antibiotiques appropriés. L'azithromycine est souvent le traitement de première intention, mais d'autres antibiotiques comme la doxycycline ou la rifampicine peuvent être utilisés, en particulier en cas d'infection sévère ou de complications. Le traitement symptomatique, incluant des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour soulager la douleur et l'inflammation, est également important. La durée du traitement antibiotique varie en fonction de la sévérité de l'infection et de la présence ou non de complications. Dans les cas de formes sévères, notamment les atteintes osseuses ou neurologiques, une antibiothérapie prolongée peut être nécessaire, pouvant atteindre plusieurs mois.

Le pronostic de la MGC est généralement favorable en cas de diagnostic précoce et de traitement adéquat. Cependant, l'absence de traitement ou un traitement inapproprié peuvent conduire à des complications graves, potentiellement mettant la vie en danger. Un suivi médical régulier est recommandé pour surveiller l'évolution de la maladie et détecter toute complication éventuelle.

Prévention de la maladie des griffes du chat

La prévention de la MGC repose sur des mesures simples mais efficaces: un lavage régulier et soigneux des mains après tout contact avec un chat, la manipulation prudente des chats (éviter les griffures et les morsures), ainsi qu'une surveillance vétérinaire régulière des chats pour détecter et traiter les infections bactériennes. Bien qu'il n'existe pas de vaccin pour la MGC, ces mesures permettent de minimiser considérablement les risques d'infection.